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Pluralité des Mondes

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Extraits du Livre des Esprits d'Allan Kardec

55. Tous les globes qui circulent dans l'espace sont-ils habités ?

" Oui, et l'homme de la terre est loin d'être, comme il le croit, le premier en intelligence, en bonté et en perfection. Il y a pourtant des hommes qui se croient bien forts, qui s'imaginent que ce petit globe a seul le privilège d'avoir des êtres raisonnables. Orgueil et vanité ! Ils croient que Dieu a créé l'univers pour eux seuls. "

Dieu a peuplé les mondes d'êtres vivants, qui tous concourent au but final de la Providence. Croire les êtres vivants limités au seul point que nous habitons dans l'univers, serait mettre en doute la sagesse de Dieu qui n'a rien fait d'inutile ; il a dû assigner à ces mondes un but plus sérieux que celui de récréer notre vue. Rien d'ailleurs, ni dans la position, ni dans le volume, ni dans la constitution physique de la terre, ne peut raisonnablement faire supposer qu'elle a seule le privilège d'être habitée à l'exclusion de tant de milliers de mondes semblables.

56. La constitution physique des différents globes est-elle la même ?

" Non ; ils ne se ressemblent nullement. "

57. La constitution physique des mondes n'étant pas la même pour tous, s'ensuit-il pour les êtres qui les habitent une organisation différente ?

" Sans doute, comme chez vous les poissons sont faits pour vivre dans l'eau et les oiseaux dans l'air. "

58. Les mondes qui sont le plus éloignés du soleil sont-ils privés de lumière et de chaleur, puisque le soleil ne se montre à eux que sous l'apparence d'une étoile ?

" Croyez-vous donc qu'il n'y ait pas d'autres sources de lumière et de chaleur que le soleil ; et comptez-vous pour rien l'électricité qui, dans certains mondes, joue un rôle qui vous est inconnu, et bien autrement important que sur la terre ? D'ailleurs, il n'est pas dit que tous les êtres soient de la même matière que vous, et avec des organes conformés comme les vôtres. "

Les conditions d'existence des êtres qui habitent les différents mondes doivent être appropriées au milieu dans lequel ils sont appelés à vivre. Si nous n'avions jamais vu de poissons, nous ne comprendrions pas que des êtres pussent vivre dans l'eau. Il en est ainsi des autres mondes qui renferment sans doute des éléments qui nous sont inconnus. Ne voyons-nous pas, sur la terre, les longues nuits polaires éclairées par l'électricité des aurores boréales ? Y a-t-il rien d'impossible à ce que, dans certains mondes, l'électricité soit plus abondante que sur la terre et y joue un rôle général dont nous ne pouvons comprendre les effets ? Ces mondes peuvent donc renfermer en eux-mêmes les sources de chaleur et de lumière nécessaires à leurs habitants.

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Extraits de la Revue spirite du mois de mars 1858 d'Allan Kardec

Qui est-ce qui ne s'est pas demandé, en considérant la lune et les autres astres, si ces globes sont habités ? Avant que la science nous eût initiés à la nature de ces astres, on pouvait en douter ; aujourd'hui, dans l'état actuel de nos connaissances, il y a au moins probabilité ; mais on fait à cette idée, vraiment séduisante, des objections tirées de la science même. La lune, dit-on, paraît n'avoir pas d'atmosphère, et peut-être pas d'eau. Dans Mercure, vu son rapprochement du soleil, la température moyenne doit être celle du plomb fondu, de sorte que, s'il y a du plomb, il doit couler comme l'eau de nos rivières. Dans Saturne, c'est tout l'opposé ; nous n'avons pas de terme de comparaison pour le froid qui doit y régner ; la lumière du soleil doit y être très faible, malgré la réflexion de ses sept lunes et de son anneau, car à cette distance le soleil ne doit paraître que comme une étoile de première grandeur. Dans de telles conditions, on se demande s'il serait possible de vivre.

On ne conçoit pas qu'une pareille objection puisse être faite par des hommes sérieux. Si l'atmosphère de la lune n'a pu être aperçue, est-il rationnel d'en inférer qu'elle n'existe pas ? Ne peut-elle être formée d'éléments inconnus ou assez raréfiés pour ne pas produire de réfraction sensible ? Nous dirons la même chose de l'eau ou des liquides qui en tiennent lieu. A l'égard des êtres vivants, ne serait-ce pas nier la puissance divine que de croire impossible une organisation différente de celle que nous connaissons, alors que sous nos yeux la prévoyance de la nature s'étend avec une sollicitude si admirable jusqu'au plus petit insecte, et donne à tous les êtres les organes appropriés au milieu qu'ils doivent habiter, que ce soit l'eau, l'air ou la terre, qu'ils soient plongés dans l'obscurité ou exposés à l'éclat du soleil. Si nous n'avions jamais vu de poissons, nous ne pourrions concevoir des êtres vivant dans l'eau ; nous ne nous ferions pas une idée de leur structure. Qui aurait cru, il y a peu de temps encore, qu'un animal pût vivre un temps indéfini au sein d'une pierre ! Mais sans parler de ces extrêmes, les êtres vivant sous les feux de la zone torride pourraient-ils exister dans les glaces polaires ? et pourtant dans ces glaces il y a des êtres organisés pour ce climat rigoureux, et qui ne pourraient supporter l'ardeur d'un soleil vertical. Pourquoi donc n'admettrions-nous pas que des êtres pussent être constitués de manière à vivre sur d'autres globes et dans un milieu tout différent du nôtre ? Assurément, sans connaître à fond la constitution physique de la lune, nous en savons assez pour être certains que, tels que nous sommes, nous n'y pourrions pas plus vivre que nous ne le pouvons au sein de l'Océan, en compagnie des poissons. Par la même raison, les habitants de la lune, si jamais il en pouvait venir sur la terre, constitués pour vivre sans air ou dans un air très raréfié, peut-être tout différent du nôtre, seraient asphyxiés dans notre épaisse atmosphère, comme nous le sommes quand nous tombons dans l'eau. Encore une fois, si nous n'avons pas la preuve matérielle et de visu de la présence d'êtres vivants dans les autres mondes, rien ne prouve qu'il ne puisse en exister dont l'organisme soit approprié à un milieu ou à un climat quelconque. Le simple bon sens nous dit au contraire qu'il en doit être ainsi, car il répugne à la raison de croire que ces innombrables globes qui circulent dans l'espace ne sont que des masses inertes et improductives. L'observation nous y montre des surfaces accidentées comme ici par des montagnes, des vallées, des ravins, des volcans éteints ou en activité ; pourquoi donc n'y aurait-il pas des êtres organiques ? Soit, dira-t-on ; qu'il y ait des plantes, même des animaux, cela peut être ; mais des êtres humains, des hommes civilisés comme nous, connaissant Dieu, cultivant les arts, les sciences, cela est-il possible ?

Assurément rien ne prouve mathématiquement que les êtres qui habitent les autres mondes soient des hommes comme nous, ni qu'ils soient plus ou moins avancés que nous, moralement parlant ; mais quand les sauvages de l'Amérique virent débarquer les Espagnols, ils ne se doutaient pas non plus qu'au-delà des mers il existait un autre monde cultivant des arts qui leur étaient inconnus. La terre est parsemée d'une innombrable quantité d'îles, petites ou grandes, et tout ce qui est habitable est habité ; il ne surgit pas un rocher de la mer que l'homme n'y plante à l'instant son drapeau. Que dirions-nous si les habitants d'une des plus petites de ces îles, connaissant parfaitement l'existence des autres îles et continents, mais n'ayant jamais eu de relations avec ceux qui les habitent, se croyaient les seuls êtres vivants du globe ? Nous leur dirions : Comment pouvez-vous croire que Dieu ait fait le monde pour vous seuls ? par quelle étrange bizarrerie votre petite île, perdue dans un coin de l'Océan, aurait-elle le privilège d'être seule habitée ? Nous pouvons en dire autant de nous à l'égard des autres sphères. Pourquoi la terre, petit globe imperceptible dans l'immensité de l'univers, qui n'est distinguée des autres planètes ni par sa position, ni par son volume, ni par sa structure, car elle n'est ni la plus petite ni la plus grosse, ni au centre ni à l'extrémité, pourquoi, dis-je, serait-elle parmi tant d'autres l'unique résidence d'êtres raisonnables et pensants ? quel homme sensé pourrait croire que ces millions d'astres qui brillent sur nos têtes n'ont été faits que pour récréer notre vue ? quelle serait alors l'utilité de ces autres millions de globes imperceptibles à l'oeil nu et qui ne servent même pas à nous éclairer ? n'y aurait-il pas à la fois orgueil et impiété à penser qu'il en doit être ainsi ? A ceux que l'impiété touche peu, nous dirons que c'est illogique.

Nous arrivons donc, par un simple raisonnement que bien d'autres ont fait avant nous, à conclure à la pluralité des mondes, et ce raisonnement se trouve confirmé par les révélations des Esprits. Ils nous apprennent en effet que tous ces mondes sont habités par des êtres corporels appropriés à la constitution physique de chaque globe ; que parmi les habitants de ces mondes les uns sont plus, les autres sont moins avancés que nous au point de vue intellectuel, moral et même physique. Il y a plus, nous savons aujourd'hui que nous pouvons entrer en relation avec eux et en obtenir des renseignements sur leur état ; nous savons encore que non seulement tous les globes sont habités par des êtres corporels, mais que l'espace est peuplé d'êtres intelligents, invisible pour nous à cause du voile matériel jeté sur notre âme, et qui révèlent leur existence par des moyens occultes ou patents. Ainsi tout est peuplé dans l'univers, la vie et l'intelligence sont partout : sur les globes solides, dans l'air, dans les entrailles de la terre, et jusque dans les profondeurs éthéréennes. Y a-t-il dans cette doctrine quelque chose qui répugne à la raison ? N'est-elle pas à la fois grandiose et sublime ? Elle nous élève par notre petitesse même, bien autrement que cette pensée égoïste et mesquine qui nous place comme les seuls êtres dignes d'occuper la pensée de Dieu.

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Extraits de la Revue spirite du mois de mars 1858 d'Allan Kardec

Jupiter et quelques autres mondes.

Avant d'entrer dans le détail des révélations que les Esprits nous ont faites sur l'état des différents mondes, voyons à quelle conséquence logique nous pourrons arriver par nous-mêmes et par le seul raisonnement. Qu'on veuille bien se reporter à l'échelle spirite que nous avons donnée dans le précédent numéro ; nous prions les personnes désireuses d'approfondir sérieusement cette science nouvelle, d'étudier avec soin ce tableau et de s'en pénétrer ; elles y trouveront la clef de plus d'un mystère.

Le monde des Esprits se compose des âmes de tous les humains de cette terre et des autres sphères, dégagées des liens corporels ; de même tous les humains sont animés par les Esprits incarnés en eux. Il y a donc solidarité entre ces deux mondes : les hommes auront les qualités et les imperfections des Esprits avec lesquels ils sont unis ; les Esprits seront plus ou moins bons ou mauvais, selon les progrès qu'ils auront faits pendant leur existence corporelle. Ces quelques mots résument toute la doctrine. Comme les actes des hommes sont le produit de leur libre arbitre, ils portent le cachet de la perfection ou de l'imperfection de l'Esprit qui les sollicite. Il nous sera donc très facile de nous faire une idée de l'état moral d'un monde quelconque, selon la nature des Esprits qui l'habitent ; nous pourrions, en quelque sorte, décrire sa législation, tracer le tableau de ses moeurs, de ses usages, de ses rapports sociaux.

Supposons donc un globe exclusivement habité par des Esprits de la neuvième classe, par des Esprits impurs, et transportons-nous-y par la pensée. Nous y verrons toutes les passions déchaînées et sans frein ; l'état moral au dernier degré d'abrutissement ; la vie animale dans toute sa brutalité ; point de liens sociaux, car chacun ne vit et n'agit que pour soi et pour satisfaire ses appétits grossiers ; l'égoïsme y règne en souverain absolu et traîne à sa suite la haine, l'envie, la jalousie, la cupidité, le meurtre.

Passons maintenant dans une autre sphère, où se trouvent des Esprits de toutes les classes du troisième ordre : Esprits impurs, Esprits légers, Esprits faux-savants, Esprits neutres. Nous savons que dans toutes les classes de cet ordre le mal domine ; mais sans avoir la pensée du bien, celle du mal décroît à mesure qu'on s'éloigne du dernier rang. L'égoïsme est toujours le mobile principal des actions, mais les moeurs sont plus douces, l'intelligence plus développée ; le mal y est un peu déguisé, il est paré et fardé. Ces qualités mêmes engendrent un autre défaut, c'est l'orgueil ; car les classes les plus élevées sont assez éclairées pour avoir conscience de leur supériorité, mais pas assez pour comprendre ce qui leur manque ; de là leur tendance à l'asservissement des classes inférieures ou des races les plus faibles qu'elles tiennent sous le joug. N'ayant pas le sentiment du bien, elles n'ont que l'instinct du moi et mettent leur intelligence à profit pour satisfaire leurs passions. Dans une telle société, si l'élément impur domine il écrasera l'autre ; dans le cas contraire, les moins mauvais chercheront à détruire leurs adversaires ; dans tous les cas, il y aura lutte, lutte sanglante, lutte d'extermination, car ce sont deux éléments qui ont des intérêts opposés. Pour protéger les biens et les personnes, il faudra des lois ; mais ces lois seront dictées par l'intérêt personnel et non par la justice ; c'est le fort qui les fera au détriment du faible.

Supposons maintenant un monde où, parmi les éléments mauvais que nous venons de voir, se trouvent quelques-uns de ceux du second ordre ; alors au milieu de la perversité nous verrons apparaître quelques vertus. Si les bons sont en minorité, ils seront la victime des méchants ; mais à mesure que s'accroîtra leur prépondérance, la législation sera plus humaine, plus équitable et la charité chrétienne ne sera pas pour tous une lettre morte. De ce bien même va naître un autre vice. Malgré la guerre que les mauvais déclarent sans cesse aux bons, ils ne peuvent s'empêcher de les estimer dans leur for intérieur ; voyant l'ascendant de la vertu sur le vice, et n'ayant ni la force ni la volonté de la pratiquer, ils cherchent à la parodier ; ils en prennent le masque ; de là les hypocrites, si nombreux dans toute société où la civilisation est imparfaite.

Continuons notre route à travers les mondes, et arrêtons-nous dans celui-ci, qui va nous reposer un peu du triste spectacle que nous venons de voir. Il n'est habité que par des Esprits du second ordre. Quelle différence ! Le degré d'épuration auquel ils sont arrivés exclut chez eux toute pensée du mal, et ce seul mot nous donne l'idée de l'état moral de cet heureux pays. La législation y est bien simple, car les hommes n'ont point à se défendre les uns contre les autres ; nul ne veut du mal à son prochain, nul ne s'approprie ce qui ne lui appartient pas, nul ne cherche à vivre au détriment de son voisin. Tout respire la bienveillance et l'amour ; les hommes ne cherchant point à se nuire, il n'y a point de haines ; l'égoïsme y est inconnu, et l'hypocrisie y serait sans but. Là, pourtant, ne règne point l'égalité absolue, car l'égalité absolue suppose une identité parfaite dans le développement intellectuel et moral ; or nous voyons, par l'échelle spirituelle, que le deuxième ordre comprend plusieurs degrés de développement ; il y aura donc dans ce monde des inégalités, parce que les uns seront plus avancés que les autres ; mais comme il n'y a chez eux que la pensée du bien, les plus élevés n'en concevront point d'orgueil, et les autres point de jalousie. L'inférieur comprend l'ascendant du supérieur et s'y soumet, parce que cet ascendant est purement moral et que nul ne s'en sert pour opprimer.

Les conséquences que nous tirons de ces tableaux, quoique présentées d'une manière hypothétique, n'en sont pas moins parfaitement rationnelles, et chacun peut déduire l'état social d'un monde quelconque selon la proportion des éléments moraux dont on le suppose composé. Nous avons vu qu'abstraction faite de la révélation des Esprits, toutes les probabilités sont pour la pluralité des mondes ; or il n'est pas moins rationnel de penser que tous ne sont pas au même degré de perfection, et que, par cela même, nos suppositions peuvent bien être des réalités. Nous n'en connaissons qu'un d'une manière positive, le nôtre. Quel rang occupe-t-il dans cette hiérarchie ? Hélas ! il suffit de considérer ce qui s'y passe pour voir qu'il est loin de mériter le premier rang, et nous sommes convaincus qu'en lisant ces lignes on lui a déjà marqué sa place. Quand les Esprits nous disent qu'il est, sinon à la dernière, du moins dans les dernières, le simple bon sens nous dit malheureusement qu'ils ne se trompent pas ; nous avons bien à faire pour l'élever au rang de celui que nous avons décrit en dernier lieu, et nous avions bien besoin que le Christ vînt nous en montrer le chemin.

Quant à l'application que nous pouvons faire de notre raisonnement aux différents globes de notre tourbillon planétaire, nous n'avons que l'enseignement des Esprits ; or, pour quiconque n'admet que les preuves palpables, il est positif que leur assertion, à cet égard, n'a pas la certitude de l'expérimentation directe. Cependant n'acceptons-nous pas tous les jours de confiance les descriptions que les voyageurs nous font des contrées que nous n'avons jamais vues ? Si nous ne devions croire que par nos yeux, nous ne croirions pas grand chose. Ce qui donne ici un certain poids au dire des Esprits, c'est la corrélation qui existe entre eux, au moins quant aux points principaux. Pour nous qui avons été cent fois témoins de ces communications, qui avons pu les apprécier dans les moindres détails, qui en avons scruté le fort et le faible, observé les similitudes et les contradictions, nous y trouvons tous les caractères de la probabilité ; toutefois, nous ne les donnons que sous bénéfice d'inventaire, à titre de renseignements auxquels chacun sera libre d'attacher l'importance qu'il jugera à propos.

Selon les Esprits, la planète de Mars serait encore moins avancée que la Terre ; les Esprits qui y sont incarnés sembleraient appartenir à peu près exclusivement à la neuvième classe, à celle des Esprits impurs, de sorte que le premier tableau que nous avons donné ci-dessus serait l'image de ce monde. Plusieurs autres petits globes sont, à quelques nuances près, dans la même catégorie. La Terre viendrait ensuite ; la majorité de ses habitants appartient incontestablement à toutes les classes du troisième ordre, et la plus faible partie aux dernières classes du second ordre. Les Esprits supérieurs, ceux de la deuxième et de la troisième classe, y accomplissent quelquefois une mission de civilisation et de progrès, et y sont des exceptions. Mercure et Saturne viennent après la Terre. La supériorité numérique des bons Esprits leur donne la prépondérance sur les Esprits inférieurs, d'où résulte un ordre social plus parfait, des rapports moins égoïstes, et par conséquent une condition d'existence plus heureuse. La Lune et Vénus sont à peu près au même degré et sous tous les rapports plus avancés que Mercure et Saturne. Junon et Uranus seraient encore supérieurs à ces dernières. On peut supposer que les éléments moraux de ces deux planètes sont formés des premières classes du troisième ordre et en grande majorité d'esprits du deuxième ordre. Les hommes y sont infiniment plus heureux que sur la Terre, par la raison qu'ils n'ont ni les mêmes luttes à soutenir, ni les mêmes tribulations à endurer, et qu'ils ne sont point exposés aux mêmes vicissitudes physiques et morales.

De toutes les planètes, la plus avancée, sous tous les rapports, est Jupiter. Là, est le règne exclusif du bien et de la justice, car il n'y a que de bons Esprits. On peut se faire une idée de l'heureux état de ses habitants par le tableau que nous avons donné d'un monde habité sans partage par les Esprits du second ordre.

La supériorité de Jupiter n'est pas seulement dans l'état moral de ses habitants ; elle est aussi dans leur constitution physique. Voici la description qui nous a été donnée de ce monde privilégié, où nous retrouvons la plupart des hommes de bien qui ont honoré notre terre par leurs vertus et leurs talents.

La conformation du corps est à peu près la même qu'ici-bas, mais il est moins matériel, moins dense et d'une plus grande légèreté spécifique. Tandis que nous rampons péniblement sur la Terre, l'habitant de Jupiter se transporte d'un lieu à un autre en effleurant la surface du sol, presque sans fatigue, comme l'oiseau dans l'air ou le poisson dans l'eau. La matière dont le corps est formé étant plus épurée, elle se dissipe après la mort sans être soumise à la décomposition putride. On n'y connaît point la plupart des maladies qui nous affligent, celles surtout qui ont leur source dans les excès de tous genres et dans le ravage des passions. La nourriture est en rapport avec cette organisation éthérée ; elle ne serait point assez substantielle pour nos estomacs grossiers, et la nôtre serait trop lourde pour eux ; elle se compose de fruits et de plantes, et d'ailleurs ils en puisent en quelque sorte la plus grande partie dans le milieu ambiant dont ils aspirent les émanations nutritives. La durée de la vie est proportionnellement beaucoup plus grande que sur la Terre ; la moyenne équivaut environ à cinq de nos siècles. Le développement y est aussi beaucoup plus rapide, et l'enfance y dure à peine quelques-uns de nos mois.

Sous cette enveloppe légère les Esprits se dégagent facilement et entrent en communication réciproque par la seule pensée, sans exclure toutefois le langage articulé ; aussi la seconde vue est-elle pour la plupart une faculté permanente ; leur état normal peut être comparé à celui de nos somnambules lucides ; et c'est aussi pourquoi ils se manifestent à nous plus facilement que ceux qui sont incarnés dans des mondes plus grossiers et plus matériels. L'intuition qu'ils ont de leur avenir, la sécurité que leur donne une conscience exempte de remords, font que la mort ne leur cause aucune appréhension ; ils la voient venir sans crainte et comme une simple transformation.

Les animaux ne sont pas exclus de cet état progressif, sans approcher cependant de l'homme, même sous le rapport physique ; leur corps, plus matériel, tient au sol, comme nous à la Terre. Leur intelligence est plus développée que chez les nôtres ; la structure de leurs membres se plie à toutes les exigences du travail ; ils sont chargés de l'exécution des ouvrages manuels ; ce sont les serviteurs et les manoeuvres : les occupations des hommes sont purement intellectuelles. L'homme est pour eux une divinité, mais une divinité tutélaire qui jamais n'abuse de sa puissance pour les opprimer.

Les Esprits qui habitent Jupiter se complaisent assez généralement, quand ils veulent bien se communiquer à nous, dans la description de leur planète, et quand on leur en demande la raison, ils répondent que c'est afin de nous inspirer l'amour du bien par l'espoir d'y aller un jour. C'est dans ce but que l'un d'eux, qui a vécu sur la terre sous le nom de Bernard Palissy, le célèbre potier du seizième siècle, a entrepris spontanément et sans y être sollicité une série de dessins aussi remarquables par leur singularité que par le talent d'exécution, et destinés à nous faire connaître, jusque dans les moindres détails, ce monde si étrange et si nouveau pour nous. Quelques-uns retracent des personnages, des animaux, des scènes de la vie privée ; mais les plus remarquables sont ceux qui représentent des habitations, véritables chefs-d'oeuvre dont rien sur la Terre ne saurait nous donner une idée, car cela ne ressemble à rien de ce que nous connaissons ; c'est un genre d'architecture indescriptible, si original et pourtant si harmonieux, d'une ornementation si riche et si gracieuse, qu'il défie l'imagination la plus féconde. M. Victorien Sardou, jeune littérateur de nos amis, plein de talent et d'avenir, mais nullement dessinateur, lui a servi d'intermédiaire. Palissy nous promet une suite qui nous donnera en quelque sorte la monographie illustrée de ce monde merveilleux. Espérons que ce curieux et intéressant recueil, sur lequel nous reviendrons dans un article spécial consacré aux médiums dessinateurs, pourra un jour être livré au public.

La planète de Jupiter, malgré le tableau séduisant qui nous en est donné, n'est point le plus parfait d'entre les mondes. Il en est d'autres, inconnus pour nous, qui lui sont bien supérieurs au physique et au moral et dont les habitants jouissent d'une félicité encore plus parfaite ; là est le séjour des Esprits les plus élevés, dont l'enveloppe éthérée n'a plus rien des propriétés connues de la matière.

On nous a plusieurs fois demandé si nous pensions que la condition de l'homme ici-bas était un obstacle absolu à ce qu'il pût passer sans intermédiaire de la Terre dans Jupiter. A toutes les questions qui touchent à la doctrine spirite nous ne répondons jamais d'après nos propres idées, contre lesquelles nous sommes toujours en défiance. Nous nous bornons à transmettre l'enseignement qui nous est donné, enseignement que nous n'acceptons point à la légère et avec un enthousiasme irréfléchi. A la question ci-dessus nous répondons nettement, parce que tel est le sens formel de nos instructions et le résultat de nos propres observations : OUI, l'homme en quittant la Terre peut aller immédiatement dans Jupiter, ou dans un monde analogue, car ce n'est pas le seul de cette catégorie. Peut-il en avoir la certitude ? NON. Il peut y aller, parce qu'il y a sur la Terre, quoique en petit nombre, des Esprits assez bons et assez dématérialisés pour n'être point déplacés dans un monde où le mal n'a point d'accès. Il n'en a pas la certitude, parce qu'il peut se faire illusion sur son mérite personnel et qu'il peut d'ailleurs avoir une autre mission à remplir. Ceux qui peuvent espérer cette faveur ne sont assurément ni les égoïstes, ni les ambitieux, ni les avares, ni les ingrats, ni les jaloux, ni les orgueilleux, ni les vaniteux, ni les hypocrites, ni les sensualistes, ni aucun de ceux qui sont dominés par l'amour des biens terrestres ; à ceux-là il faudra peut-être encore de longues et rudes épreuves. Cela dépend de leur volonté.

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Extrait de la Revue Spirite d'Avril 1858 d'Allan Kardec

Entretiens familiers d'outre-tombe. Bernard Palissy (9 mars 1858).

DESCRIPTION DE JUPITER.

NOTA. - Nous savions, par des évocations antérieures, que Bernard Palissy, le célèbre potier du seizième siècle, habite Jupiter. Ses réponses suivantes confirment de tous points ce qui nous a été dit sur cette planète à diverses époques, par d'autres Esprits, et par l'intermédiaire de différents médiums. Nous pensons qu'on les lira avec intérêt, comme complément du tableau que nous avons tracé dans notre dernier numéro. L'identité qu'elles présentent avec les descriptions antérieures, est un fait remarquable qui est tout au moins une présomption d'exactitude.

1. Où t'es-tu trouvé en quittant la terre ?

- R. J'y ai encore demeuré.

2. Dans quelle condition y étais-tu ?

- R. Sous les traits d'une femme aimante et dévouée ; ce n'était qu'une mission.

3. Cette mission a-t-elle duré longtemps ?

- R. Trente ans.

4. Te rappelles-tu le nom de cette femme ?

- R. Il est obscur.

5. L'estime que l'on a pour tes oeuvres te satisfait-elle, et cela te dédommage-t-il des souffrances que tu as endurées ?

- R. Que m'importent les oeuvres matérielles de mes mains ! Ce qui m'importe, c'est la souffrance qui m'a élevé.

6. Dans quel but as-tu tracé, par la main de M. Victorien Sardou, les admirables dessins que tu nous as donnés sur la planète de Jupiter que tu habites ?

- R. Dans le but de vous inspirer le désir de devenir meilleurs.

7. Puisque tu reviens souvent sur cette Terre que tu as habitée à diverses reprises, tu dois en connaître assez l'état physique et moral pour établir une comparaison entre elle et Jupiter ; nous te prions donc de vouloir bien nous éclairer sur divers points.

- R. Sur votre globe, je ne viens qu'en Esprit ; l'Esprit n'a plus de sensations matérielles.

ETAT PHYSIQUE DU GLOBE.

8. Peut-on comparer la température de Jupiter à celle de l'une de nos latitudes ?

- R. Non ; elle est douce et tempérée ; toujours égale, et la vôtre varie. Rappelez-vous les champs Elyséens que l'on vous a décrits.

9. Le tableau que les Anciens nous ont donné des champs Elysées serait-il le résultat de la connaissance intuitive qu'ils avaient d'un monde supérieur, tel que Jupiter par exemple ?

- R. De la connaissance positive ; l'évocation était restée dans les mains des prêtres.

10. La température varie-t-elle selon les latitudes, comme ici ?

- R. Non.

11. D'après nos calculs le soleil doit paraître aux habitants de Jupiter sous un angle très petit, et y donner par conséquent peu de lumière. Peux-tu nous dire si l'intensité de la lumière y est égale à celle de la terre, ou si elle y est moins forte ?

- R. Jupiter est entouré d'une sorte de lumière spirituelle en rapport avec l'essence de ses habitants. La grossière lumière de votre soleil n'est pas faite pour eux.

12. Y a-t-il une atmosphère ?

- R. Oui.

13. L'atmosphère est-elle formée des mêmes éléments que l'atmosphère terrestre ?

- R. Non ; les hommes ne sont pas les mêmes ; leurs besoins ont changé.

14. Y a-t-il de l'eau et des mers ?

- R. Oui.

15. L'eau est-elle formée des mêmes éléments que la nôtre ?

- R. Plus éthérée.

16. Y a-t-il des volcans ?

- R. Non ; notre globe n'est pas tourmenté comme le vôtre ; la nature n'y a pas eu ses grandes crises ; c'est le séjour des bienheureux. La matière y touche à peine.

17. Les plantes ont-elles de l'analogie avec les nôtres ?

- R. Oui, mais plus belles.

ETAT PHYSIQUE DES HABITANTS.

18. La conformation du corps des habitants a-t-elle du rapport avec la nôtre ?

- R. Oui ; elle est la même.

19. Peux-tu nous donner une idée de leur taille comparée à celle des habitants de la Terre ?

- R. Grands et bien proportionnés. Plus grands que vos hommes les plus grands. Le corps de l'homme est comme l'empreinte de son esprit : belle où il est bon ; l'enveloppe est digne de lui ; ce n'est plus une prison.

20. Les corps y sont-ils opaques, diaphanes ou translucides ?

- R. Il y en a des uns et des autres. Les uns ont telle propriété, les autres en ont telle autre, selon leur destination.

21. Nous concevons cela pour les corps inertes, mais notre question est relative aux corps Humains ?

- R. Le corps enveloppe l'Esprit sans le cacher, comme un voile léger jeté sur une statue. Dans les mondes inférieurs l'enveloppe grossière dérobe l'Esprit à ses semblables ; mais les bons n'ont plus rien à se cacher : ils peuvent lire dans le coeur les uns des autres. Que serait-ce s'il en était ainsi ici-bas !

22. Y a-t-il des sexes différents ?

- R. Oui ; il y en a partout où la matière existe ; c'est une loi de la matière.

23. Quelle est la base de la nourriture des habitants ? Est-elle animale et végétale comme ici ?

- R. Purement végétale ; l'homme est le protecteur des animaux.

24. Il nous a été dit qu'ils puisent une partie de leur nourriture dans le milieu ambiant dont ils aspirent les émanations ; cela est-il exact ?

- R. Oui.

25. La durée de la vie, comparée à la nôtre, est-elle plus longue ou plus courte ?

- R. Plus longue.

26. De combien de temps est la vie moyenne ?

- R. Comment mesurer le temps ?

27. Ne peux-tu prendre un de nos siècles pour terme de comparaison ?

- R. Je crois que c'est environ cinq siècles.

28. Le développement de l'enfance est-il proportionnellement plus rapide que chez nous ?

- R. L'homme conserve sa supériorité ; l'enfance ne comprime pas son intelligence, la vieillesse ne l'éteint pas.

29. Les hommes sont-ils sujets aux maladies ?

- R. Ils ne sont point sujets à vos maux.

30. La vie se partage-t-elle entre la veille et le sommeil ?

- R. Entre l'action et le repos.

31. Pourrais-tu nous donner une idée des diverses occupations des hommes ?

- R. Il en faudrait trop dire. Leur principale occupation est d'encourager les Esprits qui habitent les mondes inférieurs à persévérer dans la bonne voie. N'ayant pas d'infortune à soulager chez eux, ils en vont chercher où l'on souffre ; ce sont les bons Esprits qui vous soutiennent et vous attirent dans la bonne voie.

32. Y cultive-t-on certains arts ?

- R. Ils y sont inutiles. Vos arts sont des hochets qui amusent vos douleurs.

33. La densité spécifique du corps de l'homme lui permet-elle de se transporter d'un lieu à un autre sans rester, comme ici, attaché au sol ?

- R. Oui.

34. Y éprouve-t-on l'ennui et le dégoût de la vie ?

- R. Non ; le dégoût de la vie ne vient que du mépris de soi.

35. Le corps des habitants de Jupiter étant moins dense que les nôtres, est-il formé de matière compacte et condensée ou vaporeuse ?

- R. Compacte pour nous ; mais, pour vous, elle ne le serait pas ; elle est moins condensée.

36. Le corps, considéré comme formé de matière, est-il impénétrable ?

- R. Oui.

37. Les habitants ont-ils un langage articulé comme nous ?

- R. Non ; il y a entre eux communication de pensées.

38. La seconde vue est-elle, comme on nous l'a dit, une faculté normale et permanente parmi vous ?

- R. Oui, l'Esprit n'a pas d'entraves ; rien n'est caché pour lui.

39. Si rien n'est caché pour l'Esprit, il connaît donc l'avenir ? (Nous voulons parler des Esprits incarnés dans Jupiter.)

- R. La connaissance de l'avenir dépend de la perfection de l'Esprit ; elle a moins d'inconvénients pour nous que pour vous ; elle nous est même nécessaire, jusqu'à un certain point, pour l'accomplissement des missions que nous avons à remplir ; mais dire que nous connaissons l'avenir sans restriction serait nous mettre au même rang que Dieu.

40. Pouvez-vous révéler tout ce que vous savez de l'avenir ?

- R. Non ; attendez pour le savoir de l'avoir mérité.

41. Communiquez-vous plus facilement que nous avec les autres Esprits ?

- R. Oui ! toujours : la matière n'est plus entre eux et nous.

42. La mort inspire-t-elle l'horreur et l'effroi qu'elle cause parmi nous ?

- R. Pourquoi serait-elle effrayante ? Le mal n'est plus parmi nous. Le méchant seul voit son dernier moment avec effroi ; il craint son juge.

43. Que deviennent les habitants de Jupiter après la mort ?

- R. Ils croissent toujours en perfection sans plus subir d'épreuves.

44. N'y a-t-il pas dans Jupiter des Esprits qui se soumettent à des épreuves pour remplir une mission ?

- R. Oui, mais ce n'est plus une épreuve ; l'amour du bien les porte seul à souffrir.

45. Peuvent-ils faillir à leur mission ?

- R. Non, puisqu'ils sont bons ; il n'y a faiblesse qu'où il y a défaut.

46. Pourrais-tu nous nommer quelques-uns des Esprits habitants de Jupiter qui ont rempli une grande mission sur la terre ?

- R. Saint Louis.

47. Ne pourrais-tu pas nous en nommer d'autres ?

- R. Que vous importe ! Il y a des missions inconnues qui n'ont pour but que le bonheur d'un seul ; celles-là sont parfois plus grandes : elles sont plus douloureuses.

DES ANIMAUX.

48. Le corps des animaux est-il plus matériel que celui des hommes ?

- R. Oui ; l'homme est le roi, le dieu terrestre.

49. Parmi les animaux en est-il de carnassiers ?

- R. Les animaux ne se déchirent pas entre eux ; tous vivent soumis à l'homme, s'aimant entre eux.

50. Mais n'y a-t-il pas des animaux qui échappent à l'action de l'homme, comme les insectes, les poissons, les oiseaux ?

- R. Non ; tous lui sont utiles.

51. On nous a dit que les animaux sont les serviteurs et les manoeuvres qui exécutent les travaux matériels, construisent les habitations, etc., cela est-il vrai ?

- R. Oui ; l'homme ne s'abaisse plus en servant son semblable.

52. Les animaux serviteurs sont-ils attachés à une personne ou à une famille, ou bien en prend-on et en change-t-on à volonté comme ici ?

- R. Tous sont attachés à une famille particulière : vous changez pour trouver mieux.

53. Les animaux serviteurs y sont-ils à l'état d'esclavage ou de liberté ; sont-ils une propriété, ou peuvent-ils changer de maître à volonté ?

- R. Ils y sont à l'état de soumission.

54. Les animaux travailleurs reçoivent-ils une rémunération quelconque pour leurs peines ?

- R. Non.

55. Développe-t-on les facultés des animaux par une sorte d'éducation ?

- R. Ils le font d'eux-mêmes.

56. Les animaux ont-ils un langage plus précis et plus caractérisé que celui des animaux terrestres ?

- R. Certes.

ETAT MORAL DES HABITANTS.

57. Les habitations dont tu nous as donné un échantillon par tes dessins sont-elles réunies en villes comme ici ?

- R. Oui ; ceux qui s'aiment se réunissent ; les passions seules font solitude autour de l'homme. Si l'homme encore méchant recherche son semblable, qui n'est pour lui qu'un instrument de douleur, pourquoi l'homme pur et vertueux fuirait-il son frère ?

58. Les Esprits y sont-ils égaux ou de différents degrés ?

- R. De différents degrés, mais du même ordre.

59. Nous te prions de vouloir bien te reporter à l'échelle spirite que nous avons donnée dans le deuxième numéro de la Revue, et de nous dire à quel ordre appartiennent les Esprits incarnés dans Jupiter ?

- R. Tous bons, tous supérieurs ; le bien descend quelquefois dans le mal ; mais jamais le mal ne se mêle au bien.

60. Les habitants forment-ils différents peuples comme sur la terre ?

- R. Oui ; mais tous unis entre eux par des liens d'amour.

61. D'après cela les guerres y sont inconnues ?

- R. Question inutile.

62. L'homme pourra-t-il arriver sur la terre à un assez grand degré de perfection pour se passer de guerres ?

- R. Assurément il y arrivera ; la guerre disparaît avec l'égoïsme des peuples et à mesure qu'ils comprennent mieux la fraternité.

63. Les peuples sont-ils gouvernés par des chefs ?

- R. Oui.

64. En quoi consiste l'autorité des chefs ?

- R. Dans le degré supérieur de perfection.

65. En quoi consiste la supériorité et l'infériorité des Esprits dans Jupiter, puisqu'ils sont tous bons ?

- R. Ils ont plus ou moins de connaissances et d'expérience ; ils s'épurent en s'éclairant.

66. Y a-t-il, comme sur la terre, des peuples plus ou moins avancés que les autres ?

- R. Non ; mais dans les peuples il y a différents degrés.

67. Si le peuple le plus avancé de la terre se trouvait transporté dans Jupiter, quel rang y occuperait-il ?

- R. Le rang de singes parmi vous.

68. Les peuples y sont-ils gouvernés par des lois ?

- R. Oui.

69. Y a-t-il des lois pénales ?

- R. Il n'y a plus de crimes.

70. Qui est-ce qui fait les lois ?

- R. Dieu les a faites.

71. Y a-t-il des riches et des pauvres, c'est-à-dire des hommes qui ont l'abondance et le superflu, et d'autres qui manquent du nécessaire ?

- R. Non ; tous sont frères ; si l'un avait plus que l'autre, il partagerait ; il ne jouirait pas quand son frère désirerait.

72. D'après cela les fortunes y seraient égales pour tous ?

- R. Je n'ai pas dit que tous étaient riches au même degré ; vous m'avez demandé s'il y en a qui ont le superflu et d'autres qui manquent du nécessaire.

73. Ces deux réponses nous paraissent contradictoires ; nous te prions de les accorder.

- R. Personne ne manque du nécessaire ; personne n'a le superflu, c'est-à-dire que la fortune de chacun est en rapport avec sa condition. Vous ai-je satisfait ?

74. Nous comprenons maintenant ; mais nous demanderons encore si celui qui a le moins n'est pas malheureux relativement à celui qui a le plus ?

- R. Il ne peut être malheureux du moment qu'il n'est ni envieux ni jaloux. L'envie et la jalousie font plus de malheureux que la misère.

75. En quoi consiste la richesse dans Jupiter ?

- R. Que vous importe !

76. Y a-t-il des inégalités de position sociale ?

- R. Oui.

77. Sur quoi sont-elles fondées ?

- R. Sur les lois de la société. Les uns sont plus ou moins avancés dans la perfection. Ceux qui sont supérieurs ont sur les autres une sorte d'autorité, comme un père sur ses enfants.

78. Développe-t-on les facultés de l'homme par l'éducation ?

- R. Oui.

79. L'homme peut-il acquérir assez de perfection sur la terre pour mériter de passer immédiatement dans Jupiter ?

- R. Oui, mais l'homme, sur la terre, est soumis à des imperfections pour qu'il soit en rapport avec ses semblables.

80. Lorsqu'un Esprit qui quitte la terre doit être réincarné dans Jupiter, y est-il errant pendant quelque temps avant d'avoir trouvé le corps auquel il doit s'unir ?

- R. Il l'est pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il se soit dégagé de ses imperfections terrestres.

81. Y a-t-il plusieurs religions ?

- R. Non ; tous professent le bien, et tous adorent un seul Dieu.

82. Y a-t-il des temples et un culte ?

- R. Pour temple il y a le coeur de l'homme ; pour culte le bien qu'il fait.

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Extrait de la Revue Spirite de Juillet 1858 d'Allan Kardec

Correspondance de Mr MARIUS M. lecteur de la Revue Spirite au sujet de Jupiter

La lettre suivante nous est adressée par un de nos abonnés ; comme elle renferme une partie instructive qui peut intéresser la majorité de nos lecteurs, et qu'elle est une preuve de plus de l'influence morale de la doctrine spirite, nous croyons devoir la publier dans son entier, en répondant, pour tout le monde, aux diverses demandes quelle renferme.

Bordeaux, 24 juin 1858.

Monsieur et cher confrère en Spiritisme,

Vous permettrez sans doute à un de vos abonnés et un de vos lecteurs les plus attentifs de vous donner ce titre, car cette admirable doctrine doit être un lien fraternel entre tous ceux qui la comprennent et la pratiquent.

Dans un de vos précédents numéros, vous avez parlé de dessins remarquables, faits par M. Victorien Sardou, et qui représentent des habitations de la planète de Jupiter. Le tableau que vous en faites nous donne, comme à bien d'autres sans doute, le désir de les connaître ; auriez-vous la bonté de nous dire si ce monsieur a l'intention de les publier ? Je ne doute pas qu'ils n'aient un grand succès, vu l'extension que prennent chaque jour les croyances spirites. Ce serait le complément nécessaire de la peinture si séduisante que les Esprits ont donnée de ce monde heureux.

Je vous dirai à ce sujet, mon cher monsieur, qu'il y a près de dix-huit mois nous avons évoqué dans notre petit cercle intime un ancien magistrat de nos parents, mort en 1756, qui fut pendant sa vie un modèle de toutes les vertus, et un Esprit très supérieur, quoique n'ayant pas de place dans l'histoire. Il nous a dit être incarné dans Jupiter, et nous a donné un enseignement moral d'une sagesse admirable et de tout point conforme à celui que renferme votre si précieux Livre des Esprits. Nous eûmes naturellement la curiosité de lui demander quelques renseignements sur l'état du monde qu'il habite, ce qu'il fit avec une extrême complaisance. Or, jugez de notre surprise et de notre joie, quand nous avons lu dans votre Revue une description tout à fait identique de cette planète, du moins dans les généralités, car nous n'avons pas poussé les questions aussi loin que vous : tout y est conforme au physique et au moral, et jusqu'à la condition des animaux. Il y est même fait mention d'habitations aériennes dont vous ne parlez pas.

Comme il y avait certaines choses que nous avions de la peine à comprendre, notre parent ajouta ces paroles remarquables : " Il n'est pas étonnant que vous ne compreniez pas les choses pour lesquelles vos sens ne sont pas faits ; mais à mesure que vous avancerez dans la science, vous les comprendrez mieux par la pensée, et elles cesseront de vous paraître extraordinaires. Le temps n'est pas loin où vous recevrez sur ce point des éclaircissements plus complets. Les Esprits sont chargés de vous en instruire, afin de vous donner un but et de vous exciter au bien. " En lisant votre description et l'annonce des dessins dont vous parlez, nous nous sommes dit naturellement que ce temps est venu.

Les incrédules gloseront sans doute de ce paradis des Esprits, comme ils glosent de tout, même de l'immortalité, même des choses les plus saintes. Je sais bien que rien ne prouve matériellement la vérité de cette description ; mais pour tous ceux qui croient à l'existence et aux révélations des Esprits, cette coïncidence n'est-elle pas faite pour faire réfléchir ? Nous nous faisons une idée des pays que nous n'avons jamais vus par le récit des voyageurs quand il y a coïncidence entre eux : pourquoi n'en serait-il pas de même à l'égard des Esprits ? Y a-t-il, dans l'état sous lequel ils nous dépeignent le monde de Jupiter, quelque chose qui répugne à la raison ? Non ; tout est d'accord avec l'idée qu'ils nous donnent des existences plus parfaites ; je dirai plus : avec l'Ecriture, ce qu'un jour je me fais fort de démontrer ; pour mon compte, cela me paraît si logique, si consolant, qu'il me serait pénible de renoncer à l'espoir d'habiter ce monde fortuné où il n'y a point de méchants, point de jaloux, point d'ennemis, point d'égoïstes, point d'hypocrites ; c'est pourquoi tous mes efforts tendent à mériter d'y aller.

Quand, dans notre petit cercle, quelqu'un de nous semble avoir des pensées trop matérielles, nous lui disons : " Prenez garde, vous n'irez pas dans Jupiter ; " et nous sommes heureux de penser que cet avenir nous est réservé, sinon à la première étape, du moins à l'une des suivantes. Merci donc à vous, mon cher frère, de nous avoir ouvert cette nouvelle voie d'espérance.

Puisque vous avez obtenu des révélations si précieuses sur ce monde, vous devez en avoir eu également sur les autres qui composent notre système planétaire. Votre intention est-elle de les publier ? Cela ferait un ensemble des plus intéressants. En regardant les astres, on se complairait à songer aux êtres si variés qui les peuplent ; l'espace nous paraîtrait moins vide. Comment a-t-il pu venir à la pensée d'hommes croyant à la puissance et à la sagesse de Dieu, que ces millions de globes sont des corps inertes et sans vie ? que nous sommes seuls sur ce petit grain de sable que nous appelons la Terre ? Je dis que c'est de l'impiété. Une pareille idée m'attriste ; s'il en était ainsi, il me semblerait être dans un désert.

Tout à vous de coeur, MARIUS M.,

Employé retraité.

Le titre que notre honorable abonné veut bien nous donner est trop flatteur pour que nous ne lui soyons pas très reconnaissant de nous en avoir cru digne. Le Spiritisme, en effet, est un lien fraternel qui doit conduire à la pratique de la véritable charité chrétienne tous ceux qui le comprennent dans son essence, car il tend à faire disparaître les sentiments de haine, d'envie et de jalousie qui divisent les hommes ; mais cette fraternité n'est pas celle d'une secte ; pour être selon les divins préceptes du Christ, elle doit embrasser l'humanité tout entière, car tous les hommes sont les enfants de Dieu ; si quelques-uns sont égarés, elle commande de les plaindre ; elle défend de les haïr. Aimez-vous les uns les autres, a dit Jésus ; il n'a pas dit : N'aimez que ceux qui pensent comme vous ; c'est pourquoi, lorsque nos adversaires nous jettent la pierre, nous ne devons point leur renvoyer de malédictions : ces principes feront toujours de ceux qui les professent des hommes paisibles qui ne chercheront point dans le désordre et le mal de leur prochain la satisfaction de leurs passions.

Les sentiments de notre honorable correspondant sont empreints de trop d'élévation pour que nous ne soyons pas persuadé qu'il entend, ainsi que cela doit être, la fraternité dans sa plus large acception.

Nous sommes heureux de la communication qu'il veut bien nous faire au sujet de Jupiter. La coïncidence qu'il nous signale n'est pas la seule, comme on a pu le voir dans l'article où il en est question. Or, quelle que soit l'opinion qu'on puisse s'en former, ce n'en est pas moins un sujet d'observation. Le monde spirite est plein de mystères qu'on ne saurait étudier avec trop de soin. Les conséquences morales qu'en déduit notre correspondant sont marquées au coin d'une logique qui n'échappera à personne.

En ce qui concerne la publication des dessins, le même désir nous a été exprimé par plusieurs de nos abonnés ; mais la complication en est telle que la reproduction par la gravure eût entraîné à des dépenses excessives et inabordables ; les Esprits eux-mêmes avaient dit que le moment de les publier n'était pas encore venu, probablement par ce motif. Aujourd'hui cette difficulté est heureusement levée. M. Victorien Sardou, de médium dessinateur (sans savoir dessiner) est devenu médium graveur sans avoir jamais tenu un burin de sa vie. Il fait maintenant ses dessins directement sur cuivre, ce qui permettra de les reproduire sans le concours d'aucun artiste étranger. La question financière ainsi simplifiée, nous pourrons en donner un échantillon remarquable dans notre prochain numéro, accompagné d'une description technique, qu'il veut bien se charger de rédiger d'après les documents que lui ont fournis les Esprits. Ces dessins sont très nombreux, et leur ensemble formera plus tard un véritable atlas. Nous connaissons un autre médium dessinateur à qui les Esprits en font tracer de non moins curieux sur un autre monde. Quant à l'état des différents globes connus, il nous a été donné sur plusieurs des renseignements généraux, et sur quelques-uns seulement des renseignements détaillés ; mais nous ne sommes point encore fixé sur l'époque où il sera utile de les publier.

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Extrait de la Revue Spirite d'Août 1858 d'Allan Kardec

Observations à propos des dessins de Jupiter.

Nous donnons, avec ce numéro de notre Revue, ainsi que nous l'avons annoncé, un dessin d'une habitation de Jupiter, exécuté et gravé par M. Victorien Sardou, comme médium, et nous y ajoutons l'article descriptif qu'il a bien voulu nous donner sur ce sujet. Quelle que puisse être, sur l'authenticité de ces descriptions, l'opinion de ceux qui pourraient nous accuser de nous occuper de ce qui se passe par-delà les mondes inconnus, tandis qu'il y a tant à faire sur la terre, nous prions nos lecteurs de ne pas perdre de vue que notre but, ainsi que l'annonce notre titre, est avant tout l'étude des phénomènes, et qu'à ce point de vue, rien ne doit être négligé. Or, comme fait de manifestation, ces dessins sont incontestablement des plus remarquables, si l'on considère que l'auteur ne sait ni dessiner, ni graver, et que le dessin que nous offrons a été gravé par lui à l'eau-forte sans modèle ni essai préalable, en neuf heures. En supposant même que ce dessin soit une fantaisie de l'Esprit qui l'a fait tracer, le seul fait de l'exécution n'en serait pas moins un phénomène digne d'attention, et, à ce titre, il appartenait à notre Recueil de le faire connaître, ainsi que la description qui en a été donnée par les Esprits, non point pour satisfaire la vaine curiosité des gens futiles, mais comme sujet d'étude pour les gens sérieux qui veulent approfondir tous les mystères de la science spirite. On serait dans l'erreur si l'on croyait que nous faisons de la révélation des mondes inconnus l'objet capital de la doctrine ; ce ne sera toujours pour nous qu'un accessoire que nous croyons utile comme complément d'étude ; le principal sera toujours pour nous l'enseignement moral, et dans les communications d'outre-tombe nous recherchons surtout ce qui peut éclairer l'humanité et la conduire vers le bien, seul moyen d'assurer son bonheur en ce monde et dans l'autre. Ne pourrait-on pas en dire autant des astronomes qui, eux aussi, sondent les espaces, et se demander à quoi il peut être utile, pour le bien de l'humanité, de savoir calculer avec une précision rigoureuse la parabole d'un astre invisible ? Toutes les sciences n'ont donc pas un intérêt éminemment pratique, et pourtant il ne vient à la pensée de personne de les traiter avec dédain, parce que tout ce qui élargit le cercle des idées contribue au progrès. Il en est ainsi des communications spirites, alors même quelles sortent du cercle étroit de notre personnalité.

Des habitations de la planète Jupiter.

Un grand sujet d'étonnement pour certaines personnes convaincues d'ailleurs de l'existence des Esprits (je n'ai pas ici à m'occuper des autres), c'est qu'ils aient, comme nous, leurs habitations et leurs villes. On ne m'a pas épargné les critiques : " Des maisons d'Esprits dans Jupiter !... Quelle plaisanterie !... " - Plaisanterie si l'on veut ; je n'y suis pour rien. Si le lecteur ne trouve pas ici, dans la vraisemblance des explications, une preuve suffisante de leur vérité ; s'il n'est pas surpris, comme nous, du parfait accord de ces révélations spirites avec les données les plus positives de la science astronomique ; s'il ne voit, en un mot, qu'une habile mystification dans les détails qui suivent et dans le dessin qu'ils accompagnent, je l'invite à s'en expliquer avec les Esprits, dont je ne suis que l'instrument et l'écho fidèle. Qu'il évoque Palissy ou Mozart, ou un autre habitant de ce bienheureux séjour, qu'il l'interroge, qu'il contrôle mes assertions par les siennes, qu'il discute enfin avec lui ; car pour moi, je ne fais que présenter ici ce qui m'est donné, que répéter ce qui m'est dit ; et, par ce rôle absolument passif, je me crois à l'abri du blâme aussi bien que de l'éloge.

Cette réserve faite et la confiance aux Esprits une fois admise, si l'on accepte comme vérité la seule doctrine vraiment belle et sage que l'évocation des morts nous ait révélée jusqu'ici, c'est-à-dire la migration des âmes de planètes en planètes, leurs incarnations successives et leur progrès incessant par le travail, les habitations dans Jupiter n'auront plus lieu de nous étonner. Du moment qu'un Esprit s'incarne dans un monde soumis comme le nôtre à une double révolution, c'est-à-dire à l'alternative des jours et des nuits et au retour périodique des saisons, du moment qu'il y possède un corps, cette enveloppe matérielle, si frêle qu'elle soit, n'appelle pas seulement une alimentation et des vêtements, mais encore un abri ou tout au moins un lieu de repos, par conséquent une demeure. C'est bien ce qui nous est dit en effet. Comme nous, et mieux que nous, les habitants de Jupiter ont leurs foyers communs et leurs familles, groupes harmonieux d'Esprits sympathiques, unis dans le triomphe après l'avoir été dans la lutte : de là des demeures si spacieuses qu'on peut leur appliquer justement le nom de palais. Comme nous encore, ces Esprits ont leurs fêtes, leurs cérémonies, leurs réunions publiques : de là certains édifices spécialement affectés à ces usages. Il faut s'attendre enfin à retrouver dans ces régions supérieures toute une humanité active et laborieuse comme la nôtre, soumise comme nous à ses lois, à ses besoins, à ses devoirs ; mais avec cette différence que le progrès, rebelle à nos efforts, devient une conquête facile pour des Esprits dégagés comme ils le sont de nos vices terrestres.

Je ne devrais m'occuper ici que de l'architecture de leurs habitations, mais pour l'intelligence même des détails qui vont suivre, un mot d'explication ne sera pas inutile. Si Jupiter n'est abordable qu'à de bons Esprits, il ne s'ensuit pas que ses habitants soient tous excellents au même degré : entre la bonté du simple et celle de l'homme de génie, il est permis de compter bien des nuances. Or, toute l'organisation sociale de ce monde supérieur repose précisément sur ces variétés d'intelligences et d'aptitudes ; et, par l'effet de lois harmonieuses qu'il serait trop long d'expliquer ici, c'est aux Esprits les plus élevés, les plus épurés, qu'appartient la haute direction de leur planète. Cette suprématie ne s'arrête pas là ; elle s'étend jusqu'aux mondes inférieurs, où ces Esprits, par leurs influences, favorisent et activent sans cesse le progrès religieux, générateur de tous les autres. Est-il besoin d'ajouter que pour ces Esprits épurés il ne saurait être question que de travaux d'intelligence, que leur activité ne s'exerce plus que dans le domaine de leur pensée, et qu'ils ont conquis assez d'empire sur la matière pour n'être que faiblement entravés par elle dans le libre exercice de leurs volontés. Le corps de tous ces Esprits, et de tous les Esprits d'ailleurs qui habitent Jupiter, est d'une densité si légère, qu'on ne peut lui trouver de terme de comparaison que dans nos fluides impondérables : un peu plus grand que le nôtre, dont il reproduit exactement la forme, mais plus pure et plus belle, il s'offrirait à nous sous l'apparence d'une vapeur (j'emploie à regret ce mot qui désigne une substance encore trop grossière) ; d'une vapeur, dis-je, insaisissable et lumineuses... lumineuse surtout aux contours du visage et de la tête ; car ici l'intelligence et la vie rayonnent comme un foyer trop ardent ; et c'est bien cet éclat magnétique entrevu par les visionnaires chrétiens et que nos peintres ont traduit par le nimbe ou l'auréole des saints.

On conçoit qu'un tel corps ne gêne que faiblement les communications extra-mondaines de ces Esprits, et qu'il leur permette, sur leur planète même, un déplacement prompt et facile. Il se dérobe si facilement à l'attraction planétaire, et sa densité diffère si peu de celle de l'atmosphère, qu'il peut s'y agiter, aller et venir, descendre ou monter, au caprice de l'Esprit et sans autre effort que celui de sa volonté. Aussi les quelques personnages que Palissy a bien voulu me faire dessiner sont-ils représentés ou rasant le sol, ou à fleur d'eau, ou très élevés dans l'air, avec toute la liberté d'action et de mouvements que nous prêtons à nos anges. Cette locomotion est d'autant plus facile à l'Esprit qu'il est plus épuré, et cela se conçoit sans peine ; aussi rien n'est plus facile aux habitants de la planète que d'estimer à première vue la valeur d'un Esprit qui passe ; deux signes parleront pour lui : la hauteur de son vol et la lumière plus ou moins éclatante de son auréole.

Dans Jupiter, comme partout, ceux qui volent le plus haut sont les plus rares ; au-dessous d'eux, il faut compter plusieurs couches d'Esprits inférieurs en vertu comme en pouvoir, mais naturellement libres de les égaler un jour en se perfectionnant. Echelonnés et classés suivant leurs mérites, ceux-ci sont voués plus particulièrement aux travaux qui intéressent la planète même, et n'exercent pas sur nos mondes inférieurs l'autorité toute-puissante des premiers. Ils répondent, il est vrai, à une évocation par des révélations sages et bonnes ; mais, à l'empressement qu'ils mettent à nous quitter, au laconisme de leurs paroles, il est facile de comprendre qu'ils ont fort à faire ailleurs, et qu'ils ne sont pas encore assez dégagés pour rayonner à la fois sur deux points si distants l'un de l'autre. Enfin, après les moins parfaits de ces Esprits, mais séparés d'eux par un abîme, viennent les animaux qui, comme seuls serviteurs et seuls ouvriers de la planète, méritent une mention toute spéciale.

Si nous désignons sous ce nom d'animaux les êtres bizarres qui occupent le bas de l'échelle, c'est que les Esprits eux-mêmes l'ont mis en usage et que notre langue d'ailleurs n'a pas de meilleur terme à nous offrir. Cette désignation les ravale un peu trop bas ; mais les appeler des hommes, ce serait leur faire trop d'honneur ; ce sont en effet des Esprits voués à l'animalité, peut-être pour longtemps, peut-être pour toujours ; car tous les Esprits ne sont pas d'accord sur ce point, et la solution du problème paraît appartenir à des mondes plus élevés que Jupiter : mais quoi qu'il en soit de leur avenir, il n'y a pas à se tromper sur leur passé. Ces Esprits, avant d'en venir là, ont successivement émigré, dans nos bas mondes, du corps d'un animal dans celui d'un autre, par une échelle de perfectionnement parfaitement graduée. L'étude attentive de nos animaux terrestres, leurs moeurs, leurs caractères individuels, leur férocité loin de l'homme, et leur domestication lente mais toujours possible, tout cela atteste suffisamment la réalité de cette ascension animale.

Ainsi, de quelque côté que l'on se tourne, l'harmonie de l'univers se résume toujours en une seule loi : le progrès partout et pour tous, pour l'animal comme pour la plante, pour la plante comme pour le minéral ; progrès purement matériel au début, dans les molécules insensibles du métal ou du caillou, et de plus en plus intelligent à mesure que nous remontons l'échelle des êtres et que l'individualité tend à se dégager de la masse, à s'affirmer, à se connaître. - Pensée haute et consolante, s'il en fut jamais ; car elle nous prouve que rien n'est sacrifié, que la récompense est toujours proportionnelle au progrès accompli : par exemple, que le dévouement du chien qui meurt pour son maître n'est pas stérile pour son Esprit, car il aura son juste salaire par-delà ce monde.

C'est le cas des Esprits animaux qui peuplent Jupiter ; ils se sont perfectionnés en même temps que nous, avec nous, par notre aide. La loi est plus admirable encore : elle fait si bien de leur dévouement à l'homme la première condition de leur ascension planétaire, que la volonté d'un Esprit de Jupiter peut appeler à lui tout animal qui, dans l'une de ses vies antérieures, lui aura donné des marques d'affection. Ces sympathies qui forment là-haut des familles d'Esprits, groupent aussi autour des familles tout un cortège d'animaux dévoués. Par conséquent, notre attachement ici-bas pour un animal, le soin que nous prenons de l'adoucir et de l'humaniser, tout cela a sa raison d'être, tout cela sera payé : c'est un bon serviteur que nous nous formons d'avance pour un monde meilleur.

Ce sera aussi un ouvrier ; car à ses pareils est réservé tout travail matériel, toute peine corporelle : fardeaux ou bâtisse, semailles ou récolte. Et à tout cela la suprême Intelligence a pourvu par un corps qui participe à la fois des avantages de la bête et de ceux de l'homme. Nous pouvons en juger par un croquis de Palissy, qui représente quelques-uns de ces animaux très attentifs à jouer aux boules. Je ne saurais mieux les comparer qu'aux faunes et aux satyres de la Fable ; le corps légèrement velu s'est pourtant redressé comme le nôtre ; les pattes ont disparu chez quelques-uns pour faire place à certaines jambes qui rappellent encore la forme primitive, à deux bras robustes, singulièrement attachés et terminés par de véritables mains, si j'en crois l'opposition des pouces. Chose bizarre, la tête n'est pas à beaucoup près aussi perfectionnée que le reste ! Ainsi, la physionomie reflète bien quelque chose d'humain, mais le crâne, mais la mâchoire et surtout l'oreille n'ont rien qui diffère sensiblement de l'animal terrestre ; il est donc facile de les distinguer entre eux : celui-ci est un chien, celui-là un lion. Proprement vêtus de blouses et de vestes assez semblables aux nôtres, ils n'attendent plus que la parole pour rappeler de bien près certains hommes d'ici-bas ; mais voilà précisément ce qui leur manque, et aussi bien n'en auraient-ils que faire. Habiles à se comprendre entre eux par un langage qui n'a rien du nôtre, ils ne se trompent pas davantage sur les intentions des Esprits qui leur commandent : un regard, un geste suffit. A certaines secousses magnétiques, dont nos dompteurs de bêtes ont déjà le secret, l'animal devine et obéit sans murmure, et qui plus est, volontiers, car il est sous le charme. C'est ainsi qu'on lui impose toute la grosse besogne, et qu'avec son aide tout fonctionne régulièrement d'un bout à l'autre de l'échelle sociale : l'Esprit élevé pense, délibère, l'Esprit inférieur applique avec sa propre initiative, l'animal exécute. Ainsi la conception, la mise en oeuvre et le fait s'unissent dans une même harmonie et mènent toute chose à sa plus prompte fin, par les moyens les plus simples et les plus sûrs.

Je m'excuse de cette digression : elle était indispensable à mon sujet, que je puis aborder maintenant.

En attendant les cartes promises, qui faciliteront singulièrement l'étude de toute la planète, nous pouvons, par les descriptions écrites des Esprits, nous faire une idée de leur grande ville, de la cité par excellence, de ce foyer de lumière et d'activité qu'ils s'accordent à désigner sous le nom étrangement latin de Julnius.

" Sur le plus grand de nos continents, dit Palissy, dans une vallée de sept à huit cents lieues de large, pour compter comme vous, un fleuve magnifique descend des montagnes du nord, et, grossi par une foule de torrents et de rivières, forme sur son parcours sept ou huit lacs dont le moindre mériterait chez vous le nom de mer. C'est sur les rives du plus grand de ces lacs, baptisé par nous du nom de la Perle, que nos ancêtres avaient jeté les premiers fondements de Julnius. Cette ville primitive existe encore, vénérée et gardée comme une précieuse relique. Son architecture diffère beaucoup de la vôtre. Je t'expliquerai tout cela en son temps : sache seulement que la ville moderne est à quelque cent mètres au-dessous de l'ancienne. Le lac, encaissé dans de hautes montagnes, se déverse dans la vallée par huit cataractes énormes qui forment autant de courants isolés et dispersés en tout sens. A l'aide de ces courants, nous avons creusé nous-mêmes dans la plaine une foule de ruisseaux, de canaux et d'étangs, ne réservant de terre ferme que pour nos maisons et nos jardins. De là résulte une sorte de ville amphibie, comme votre Venise, et dont on ne saurait dire, à première vue, si elle est bâtie sur la terre ou sur l'eau. Je ne te dis rien aujourd'hui de quatre édifices sacrés construits sur le versant même des cataractes, de sorte que l'eau jaillit à flots de leurs portiques : ce sont là des oeuvres qui vous paraîtraient incroyables de grandeur et de hardiesse.

" C'est la ville terrestre que je décris ici, la ville matérielle en quelque sorte, celle des occupations planétaires, celle que nous appelons enfin la Ville basse. Elle a ses rues ou plutôt ses chemins tracés pour le service intérieur ; elle a ses places publiques, ses portiques et ses ponts jetés sur les canaux pour le passage des serviteurs. Mais la ville intelligente, la ville spirituelle, le vrai Julnius enfin, ce n'est pas à terre qu'il faut le chercher, c'est dans l'air.

" Au corps matériel de nos animaux incapables de voler , il faut la terre ferme ; mais ce que notre corps fluidique et lumineux exige, c'est un logis aérien comme lui, presque impalpable et mobile au gré de notre caprice. Notre habileté a résolu ce problème, à l'aide du temps et des conditions privilégiées que le Grand Architecte nous avait faites. Comprends bien que cette conquête des airs était indispensable à des Esprits comme les nôtres. Notre jour est de cinq heures, et notre nuit de cinq heures également ; mais tout est relatif, et pour des êtres prompts à penser et à agir comme nous le sommes, pour des Esprits qui se comprennent par le langage des yeux et qui savent communiquer magnétiquement à distance, notre jour de cinq heures égalait déjà en activité l'une de vos semaines. C'était encore trop peu à notre avis ; et l'immobilité de la demeure, le point fixe du foyer était une entrave pour toutes nos grandes oeuvres. Aujourd'hui, par le déplacement facile de ces demeures d'oiseaux, par la possibilité de transporter nous et les nôtres en tel endroit de la planète et à telle heure du jour qu'il nous plaît, notre existence est au moins doublée, et avec elle tout ce qu'elle peut enfanter d'utile et de grand.

" A certaines époques de l'année, ajoute l'Esprit, à certaines fêtes, par exemple, tu verrais ici le ciel obscurci par la nuée d'habitations qui nous viennent de tous les points de l'horizon. C'est un curieux assemblage de logis sveltes, gracieux, légers, de toute forme, de toute couleur, balancés à toute hauteur et continuellement en route de la ville basse à la ville céleste : Quelques jours après, le vide se fait peu à peu et tous ces oiseaux s'envolent. "

A ces demeures flottantes rien ne manque, pas même le charme de la verdure et des fleurs. Je parle d'une végétation sans exemple chez vous, de plantes, d'arbustes même, destinés, par la nature de leurs organes, à respirer, à s'alimenter, à vivre, à se reproduire dans l'air.

" Nous avons, dit le même Esprit, de ces touffes de fleurs énormes, dont vous ne sauriez imaginer ni les formes ni les nuances, et d'une légèreté de tissu qui les rend presque transparentes. Balancées dans l'air, où de larges feuilles les soutiennent, et armées de vrilles pareilles à celles de la vigne, elles s'assemblent en nuages de mille teintes ou se dispersent au gré du vent, et préparent un charmant spectacle aux promeneurs de la ville basse... Imagine la grâce de ces radeaux de verdure, de ces jardins flottants que notre volonté peut faire ou défaire et qui durent quelquefois toute une saison ! De longues traînées de lianes et de branches fleuries se détachent de ces hauteurs et pendent jusqu'à terre, des grappes énormes s'agitent en secouant leurs parfums et leurs pétales qui s'effeuillent... Les Esprits qui traversent l'air s'y arrêtent au passage : c'est un lieu de repos et de rencontre, et, si l'on veut, un moyen de transport pour achever le voyage sans fatigue et de compagnie. "

Un autre Esprit était assis sur l'une de ces fleurs au moment où je l'évoquais.

" En ce moment, me dit-il, il fait nuit à Julnius, et je suis assis à l'écart sur l'une de ces fleurs de l'air qui ne s'épanouissent ici qu'à la clarté de nos lunes. Sous mes pieds toute la ville basse sommeille ; mais sur ma tête et autour de moi, à perte de vue, il n'y a que mouvement et joie dans l'espace. Nous dormons peu : notre âme est trop dégagée pour que les besoins du corps soient tyranniques ; et la nuit est plutôt faite pour nos serviteurs que pour nous. C'est l'heure des visites et des longues causeries, des promenades solitaires, des rêveries, de la musique. Je ne vois que demeures aériennes resplendissantes de lumières ou radeaux de feuilles et de fleurs chargés de troupes joyeuses... La première de nos lunes éclaire toute la ville basse : c'est une douce lumière comparable à celle de vos clairs de lune ; mais, du côté du lac, la seconde se lève, et celle-ci a des reflets verdâtres qui donnent à toute la rivière l'aspect d'une grande pelouse... "

C'est sur la rive droite de cette rivière, " dont l'eau, dit l'Esprit, t'offrirait la consistance d'une légère vapeur , " qu'est construite la maison de Mozart, que Palissy a bien voulu me faire dessiner sur cuivre. Je ne donne ici que la façade du midi. La grande entrée est à gauche, sur la plaine ; à droite est la rivière ; au nord et au midi sont les jardins. J'ai demandé à Mozart quels étaient ses voisins. - " Plus haut, a-t-il dit, et plus bas, deux Esprits que tu ne connais pas ; mais à gauche, je ne suis séparé que par une grande prairie du jardin de Cervantès. "

La maison a donc quatre faces comme les nôtres, ce dont on aurait tort néanmoins de faire une règle générale. Elle est construite avec une certaine pierre que les animaux tirent des carrières du nord, et dont l'Esprit compare la couleur à ces tons verdâtres que prend souvent l'azur du ciel au moment où le soleil se couche. Quant à sa dureté, on peut s'en faire une idée par cette observation de Palissy : " qu'elle fondrait sous nos doigts humains aussi vite qu'un flocon de neige ; encore est-ce là une des matières les plus résistantes de la planète ! Sur ce mur les Esprits ont sculpté ou incrusté les étranges arabesques que le dessin cherche à reproduire. Ce sont ou des ornements fouillés dans la pierre et coloriés ensuite, ou des incrustations ramenées à la solidité de la pierre verte, par un procédé qui est en grande faveur maintenant et qui conserve aux végétaux toute la grâce de leurs contours, toute la finesse de leurs tissus, toute la richesse de leur coloris. " Une découverte, ajoute l'Esprit, que vous ferez quelque jour et qui changera chez vous bien des choses. "

La longue fenêtre de droite présente un exemple de ce genre d'ornementation : l'un de ses bords n'est pas autre chose qu'un roseau énorme dont on a conservé les feuilles. Il en est de même du couronnement de la fenêtre principale, qui affecte la forme de clefs de sol : ce sont des plantes sarmenteuses enlacées et pétrifiées. C'est par ce procédé qu'ils obtiennent la plupart des couronnements d'édifices, des grilles, des balustres, etc. Souvent même la plante est placée dans le mur, avec ses racines et dans des conditions à croître librement. Elle grandit, se développe ; ses fleurs s'épanouissent au hasard, et l'artiste ne les fige sur place que lorsqu'elles ont acquis tout le développement voulu pour l'ornementation de l'édifice : la maison de Palissy est presque entièrement décorée de cette manière.

Destiné d'abord aux meubles seuls, puis aux châssis des portes et des fenêtres, ce genre d'ornements s'est perfectionné peu à peu et a fini par envahir toute l'architecture. Aujourd'hui ce n'est pas seulement la fleur et l'arbuste que l'on pétrifie de la sorte, mais l'arbre lui-même, de la racine au faîte ; et les palais comme les édifices n'ont plus guère d'autres colonnes.

Une pétrification de même nature sert aussi à la décoration des fenêtres. Des fleurs ou des feuilles très amples sont habilement dépouillées de leur partie charnue : il ne reste plus que le réseau des fibres, aussi fin que la plus fine mousseline. On le cristallise ; et de ces feuilles assemblées avec art on construit toute une fenêtre, qui ne laisse filtrer à l'intérieur qu'une lumière très douce : ou bien encore on les enduit d'une sorte de verre liquide et coloré de toute nuance qui se durcit à l'air et qui transforme la feuille en une sorte de vitre. De l'assemblage de ces feuilles résultent, pour fenêtres, de charmants bouquets transparents et lumineux !

Quant à la longueur même de ces ouvertures et à mille autres détails qui peuvent surprendre au premier abord, je suis forcé d'en ajourner l'explication : l'histoire de l'architecture dans Jupiter demanderait un volume entier. Je renonce également à parler de l'ameublement, pour ne m'attacher ici qu'à la disposition générale du logis.

Le lecteur a dû comprendre, d'après tout ce qui précède, que la maison du continent ne doit être pour l'Esprit qu'une sorte de pied-à-terre. La ville basse n'est guère fréquentée que par les Esprits de second ordre chargés des intérêts planétaires, de l'agriculture, par exemple, ou des échanges, et du bon ordre à maintenir parmi les serviteurs. Aussi toutes les maisons qui reposent sur le sol n'ont-elles généralement qu'un rez-de-chaussée et un étage : l'un, destiné aux Esprits qui agissent sous la direction du maître, et accessible aux animaux ; l'autre, réservé à l'Esprit seul, qui n'y demeure que par occasion. C'est ce qui explique pourquoi nous voyons dans plusieurs maisons de Jupiter, dans celle-ci par exemple et dans celle de Zoroastre, un escalier et même une rampe. Celui qui rase l'eau comme une hirondelle et qui peut courir sur les tiges de blé sans les courber, se passe fort bien d'escalier et de rampe pour entrer chez lui ; mais les Esprits inférieurs n'ont pas le vol si facile : ils ne s'élèvent que par secousses, et la rampe ne leur est pas toujours inutile. Enfin l'escalier est d'absolue nécessité pour les animaux-serviteurs, qui ne marchent pas autrement que nous. Ces derniers ont bien leurs cases, fort élégantes du reste, qui font partie de toutes les grandes habitations ; mais leurs fonctions les appellent constamment à la maison du maître : il faut bien leur en faciliter l'entrée et le parcours intérieur. De là ces constructions bizarres, qui par la base tiennent encore de nos édifices terrestres et qui en diffèrent absolument par le sommet.

Celle-ci se distingue surtout par une originalité que nous serions bien incapables d'imiter. C'est une sorte de flèche aérienne qui se balance sur le haut de l'édifice, au-dessus de la grande fenêtre et de son singulier couronnement. Cette frêle nacelle, facile à déplacer, est pourtant destinée, dans la pensée de l'artiste, à ne pas quitter la place qui lui est assignée, car sans reposer en rien sur le faîte, elle en complète la décoration, et je regrette que la dimension de la planche ne lui ait pas permis d'y trouver place. Quant à la demeure aérienne de Mozart, je n'ai ici qu'à en constater l'existence : les bornes de cet article ne me permettent pas de m'étendre sur ce sujet.

Je ne finirai pourtant pas sans m'expliquer, en passant, sur le genre d'ornements que le grand artiste a choisis pour sa demeure. Il est facile d'y reconnaître le souvenir de notre musique terrestre : la clef de sol y est fréquemment répétée, et, chose bizarre, jamais la clef de fa ! Dans la décoration du rez-de-chaussée, nous retrouvons un archet, une sorte de téorbe ou de mandoline, une lyre et toute une portée musicale. Plus haut, c'est une grande fenêtre qui rappelle vaguement la forme d'un orgue ; les autres ont l'apparence de grandes notes, et des notes plus petites abondent sur toute la façade.

On aurait tort d'en conclure que la musique de Jupiter soit comparable à la nôtre, et qu'elle se note par les mêmes signes : Mozart s'est expliqué sur elle de manière à ne laisser aucun doute à cet égard ; mais les Esprits rappellent volontiers, dans la décoration de leurs maisons, la mission terrestre qui leur a mérité l'incarnation dans Jupiter et qui résume le mieux le caractère de leur intelligence. Ainsi, dans la maison de Zoroastre, ce sont les astres et la flamme qui font tous les frais de la décoration.

Il y a plus, il paraît que ce symbolisme a ses règles et ses secrets. Tous ces ornements ne sont pas disposés au hasard : ils ont leur ordre logique et leur signification précise ; mais c'est un art que les Esprits de Jupiter renoncent à nous faire comprendre, du moins jusqu'à ce jour, et sur lequel ils ne s'expliquent pas volontiers. Nos vieux architectes employaient aussi le symbolisme dans la décoration de leurs cathédrales ; et la tour de Saint-Jacques n'est rien moins qu'un poème hermétique, si l'on en croit la tradition. Il n'y a donc pas à nous étonner de l'étrangeté de la décoration architectonique dans Jupiter : si elle contredit nos idées sur l'art humain, c'est qu'il y a en effet tout un abîme entre une architecture qui vit et qui parle, et une maçonnerie comme la nôtre, qui ne prouve rien. En cela, comme en toute autre chose, la prudence nous défend cette erreur du relatif qui veut tout ramener aux proportions et aux habitudes de l'homme terrestre. Si les habitants de Jupiter étaient logés comme nous, s'ils mangeaient, vivaient, dormaient et marchaient comme nous, il n'y aurait pas grand profit à y monter. C'est bien parce que leur planète diffère absolument de la nôtre que nous aimons à la connaître, à la rêver pour notre future demeure !

Pour ma part, je n'aurai pas perdu mon temps, et je serai bien heureux que les Esprits m'aient choisi pour leur interprète, si leurs dessins et leurs descriptions inspirent à un seul croyant le désir de monter plus vite à Julnius, et le courage de tout faire pour y parvenir.

VICTORIEN SARDOU.

L'auteur de cette intéressante description est un de ces adeptes fervents et éclairés qui ne craignent pas d'avouer hautement leurs croyances, et se mettent au-dessus de la critique des gens qui ne croient à rien de ce qui sort du cercle de leurs idées. Attacher son nom à une doctrine nouvelle en bravant les sarcasmes, est un courage qui n'est pas donné à tout le monde, et nous félicitons M. V. Sardou de l'avoir. Son travail révèle l'écrivain distingué qui, quoique jeune encore, s'est déjà conquis une place honorable dans la littérature, et joint au talent d'écrire les profondes connaissances du savant ; preuve nouvelle que le Spiritisme ne se recrute pas parmi les sots et les ignorants. Nous faisons des voeux pour que M. Sardou complète, le plus tôt possible, son travail si heureusement commencé. Si les astronomes nous dévoilent, par leurs savantes recherches, le mécanisme de l'univers, les Esprits, par leurs révélations, nous en font connaître l'état moral, et cela, comme ils le disent, dans le but de nous exciter au bien, afin de mériter une existence meilleure.

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